Le triathlon est un sport très exigeant, surtout en cas de fortes chaleurs, comme c’est souvent le cas lors des épreuves estivales ou d’événements exotiques tels que les Ironman d’Hawaï ou de Cozumel. La clé de la réussite réside dans la capacité à maintenir un effort soutenu et régulier tout au long de l’épreuve, en particulier lors de la phase de course à pied. Voyons comment repousser ses limites tout en préservant sa santé.
Article paru dans TrimaX-magazine
Par J.B Wiroth, Docteur en Sciences du Sport
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Chaleur et fatigue
Lorsque l’effort physique s’associe à des températures élevées, plusieurs phénomènes peuvent se cumuler chez l’athlète, et leur intensité augmente avec la chaleur.
Les principaux problèmes rencontrés sont l’hyperthermie et la déshydratation, auxquels peuvent s’ajouter, dans un second temps, des troubles digestifs.
Lors d’un effort soutenu, l’hyperthermie — voire, dans les cas extrêmes, l’insolation ou le coup de chaleur — survient lorsque les mécanismes de thermorégulation sont dépassés. Cela se produit lorsque la production de chaleur (thermogenèse) excède sa dissipation (thermolyse).
L’hyperthermie constitue donc un enjeu majeur pour les triathlètes, car elle est probablement l’un des facteurs déterminants de la fatigue centrale. En natation ou à vélo, ce risque est moindre grâce au refroidissement par convection dû au contact avec l’eau ou au flux d’air. En revanche, lors de la course à pied, la vitesse de déplacement étant plus faible, l’évacuation de la chaleur devient nettement plus difficile.
Une étude (Ely et al., 2010) a montré que la performance est significativement altérée par des températures élevées, avec un coût mécanique de course plus élevé à 40 °C qu’à 21 °C.
Chaleur et déshydratation
La déshydratation est une conséquence directe de la sudation induite par l’effort. Même si la sudation est régulée par des mécanismes automatiques complexes, son débit dépend principalement du gabarit de l’athlète (plus le corps est massif, plus la transpiration est importante), de l’intensité de l’effort, des conditions météorologiques, ainsi que de l’état d’hydratation initial.
Lorsque l’hydratation n’est pas correctement maintenue, la diminution rapide du volume plasmatique entraîne une surcharge de travail pour le cœur, qui doit compenser afin de garantir un débit sanguin suffisant. Des études récentes (Kenefick et al., 2010) montrent qu’une hypohydratation combinée à un stress thermique engendre une baisse de performance d’environ 1,6 % par degré d’élévation de la température cutanée. Autrement dit, moins on boit, plus la température corporelle augmente… et plus la performance chute.
Cette même étude souligne qu’un débit sanguin élevé vers la peau — nécessaire pour dissiper la chaleur — combiné à une réduction du volume plasmatique, constitue une contrainte cardiovasculaire majeure et l’un des facteurs déterminants de la baisse de performance.

En pratique
Repousser l’apparition de la fatigue — qu’elle soit centrale (système nerveux) ou périphérique (musculaire) — est une des clés de la réussite en triathlon, surtout quand chaleur et humidité sont au rendez-vous. Avec l’enchaînement des trois disciplines, les triathlètes font face à une problématique spécifique concernant la prévention de l’hyperthermie et de la déshydratation.
Voici quelques conseils concrets pour performer malgré la chaleur :
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S’acclimater à la chaleur :
S’entraîner à des horaires chauds (milieu de journée) ou arriver plusieurs jours à l’avance sur le lieu de la course permet au corps de s’adapter. -
Choisir une tenue adaptée :
Casquette, vêtements clairs et couvrants pour limiter l’exposition directe au soleil et favoriser l’évaporation. -
Porter des lunettes de soleil :
Elles réduisent la réverbération et l’effet du rayonnement lumineux sur le système nerveux central. -
Sur-hydrater les jours précédents :
Boire environ 2 litres d’eau par jour avant la course permet de constituer des réserves hydriques. -
Faire un réveil musculaire matinal (environ 4 heures avant le départ) :
Cela prépare l’organisme à mieux gérer la chaleur, notamment par l’activation des protéines de choc thermique (Heat Shock Proteins). -
Planifier précisément l’hydratation pendant la course :
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Dès la première transition, puis tout au long du vélo : 500 à 750 ml/h d’une boisson énergétique.
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En course à pied : boire très régulièrement en petites quantités. Une boisson légèrement moins concentrée que celle du vélo est idéale.
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Alternative : 1 gel énergétique de 20 g toutes les 30 minutes, accompagné d’un verre d’eau.
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Augmenter les apports en sodium :
Ajouter une pincée de sel par bidon améliore la rétention hydrique. -
Utiliser des compléments contenant de la caféine :
La caféine stimule notamment la production de protéines de choc thermique (Whiteman M. et al., 2006). -
Refroidir activement les muscles :
S’asperger d’eau froide, surtout en vélo (dans les montées) et à pied, aide à réguler la température corporelle. Zones à cibler : cuisses, nuque, crâne.

Conclusion
Les stratégies pour lutter contre le stress thermique sont relativement simples — encore faut-il penser à les mettre en œuvre pour être performant le jour J. Appliquer ces principes permet de limiter les risques de déshydratation, de fatigue précoce et d’effondrement de la performance.
Cela dit, des recherches récentes suggèrent que certains neurotransmetteurs, comme la dopamine et la noradrénaline, jouent un rôle dans la régulation thermique à l’effort et dans l’apparition de la fatigue centrale (Roelands et al., 2010).
Il est donc probable que les recommandations actuelles évoluent dans les années à venir, en particulier sur le plan nutritionnel.

Références
1. Aerobic performance is degraded, despite modest hyperthermia, in hot environments. Ely BR, Cheuvront SN, Kenefick RW, Sawka MN. Med Sci Sports Exerc. 2010 Jan;42(1):135-41
2. Novel Pre-Cooling Strategy Enhances Time Trial Cycling In the Heat. Ross ML, Garvican LA, Jeacocke NA, Laursen PB, Abbiss CR, Martin DT, Burke LM.Med Sci Sports Exerc. 2010 ay 27
3. Skin Temperature Modifes the Impact of Hypohydration on Aerobic Performance. Kenefick RW, Cheuvront SN, Palombo LJ, Ely BR, Sawka MN. J Appl Physiol. 2010 Apr 8
4. Effect of caffeine supplementation on the extracellular heat shock protein 72 response to exercise. Whitham M, Walker GJ, Bishop NC. J Appl Physiol. 2006 Oct ; 101(4):1222-7
5. Alterations in central fatigue by pharmacological manipulations of neurotransmitters in normal and high ambient temperature. Roelands B, Meeusen R. Sports Med. 2010 Mar 1;40(3):229-46